Interviewer imaginaire : Salut, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Antoine : Bien-sûr ! Je m’appelle Antoine Musy, j’ai 33 ans. Je travaille dans le secteur culturel depuis plus de 10 ans. J’habite dans le massif de la Chartreuse et je suis le papa d’un petit bonhomme né en 2023.
Interviewer imaginaire : Génial ! Tu peux nous en dire un peu plus sur ton parcours ? Quelles études as-tu suivies ?
Antoine : Mon parcours universitaire est d’un classicisme sans faille. Après un bac ES (ça ne nous rajeunit pas) j’ai intégré une licence d’Histoire à l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble (encore un coup de vieux). Et puis après ma licence, j’ai intégré le Master « Histoire des sociétés modernes et contemporaines » dans le parcours dédié aux futurs « chercheurs ».
Interviewer imaginaire : Manifestement, tu n’as pas cherché longtemps !
Antoine : Non, effectivement, c’est au cours de ce Master que mon parcours a obliqué vers le secteur culturel. J’y suis entré par mon sujet de recherche dont le thème était l’industrie minière en Tarentaise, région où je vivais à l’époque. Une petite option « patrimoine industriel » plus tard, je me retrouvais à vivre une expérience assez fondatrice pour moi : un travail de recherche de terrain sur la mine de la Plagne (qui m’a conduit à faire un peu d’ingénierie culturelle bien avant Karst) et surtout qui m’a permis de travailler avec Gilles Perret sur un documentaire dédié au sujet.
Interviewer imaginaire : Chouette histoire ! C’est difficile d’imaginer que sous la plus grande station de sports d’hiver française se trouve l’une des plus importantes mines de plomb argentifère du pays.
Antoine : Ouais, d’ailleurs, Gilles avait appelé le film « Du plomb dans l’or blanc » mais malgré le jeu de mots, pour celui-ci, il n’a pas eu de César !
Interviewer imaginaire : Et après ça ? Comment tu finis ton Master ?
Antoine : Très bien, mais dans un contexte un peu particulier : je marchais plutôt pas mal en cours et je ne savais pas exactement encore ce que je voulais faire après mes études. En plus, mon sujet sentait le neuf et n’était pas trop dur à vendre…
Interviewer imaginaire : Une thèse donc ?
Antoine : Oui, une thèse que je n’ai jamais commencée ! J’ai posé quelques dossiers pour obtenir des financements hors de l’école doctorale et ce que j’ai vu m’a fait peur, notamment la solitude et la perte de sens dans le travail que j’aurais dû produire en tant que thésard. Le jour où il a fallu poser le dossier de l’école doctorale (dont l’obtention de la bourse semblait acquise), j’ai pas dormi de la nuit. J’ai appelé les enseignant-e-s qui m’accompagnaient à 8h pétante du matin pour leur dire que je laissais tomber. À l’époque, il-elles ne l’ont pas forcément bien pris, mais moi, le lendemain, je candidatais pour un stage au musée dauphinois à Grenoble.
Interviewer imaginaire : Décision radicale. Comment arrives-tu à obtenir un stage au musée dauphinois sorti d’un Master « recherche » ?
Antoine : Euuuh… avec un petit coup de piston, je dois dire, le seul de ma carrière et qui m’a offert de me sortir du mauvais pas dans lequel je m’étais fourré. En octobre 2014, je rentrais comme stagiaire au service des collections et le 1er février 2015, je commençais mon premier contrat de chargé des collections, en remplacement d’une collègue absente. Je garde de cette époque un souvenir incroyable : découvrir le monde des musées, cette manière de mettre le patrimoine et la connaissance en exergue pour en faire vivre une expérience au visiteur, ça me paraissait vraiment magique ! C’était incroyablement stimulant… et épuisant de tout apprendre en faisant, puisque par un concours de circonstance, je me suis retrouvé à coordonner un projet d’exposition dès le printemps 2015 . Par chance, les collègues qui m’entourent m’épaulent et m’apprennent avec beaucoup de bienveillance… masquée derrière une certaine âpreté qu’on aime à cultiver dans cette maison. Pas de quoi m’effrayer toutefois, j’ai déjà maté bien des bourrus au fin fond de ma montagne préférée.
Je garde de cette époque un souvenir incroyable : découvrir le monde des musées, cette manière de mettre le patrimoine et la connaissance en exergue pour en faire vivre une expérience au visiteur, ça me paraissait vraiment magique !
Interviewer imaginaire : À la bonne école ! Mais tout ça prend fin en 2017 ?
Antoine : Oui, comme chacun-e sait, la création d’un poste est impensable (et à force, impensée !) dans la filière culturelle en dehors des grands projets. Le poste de régisseur des collections et des expositions que j’occupais depuis le retour de ma collègue ne tenait que sur des petits contrats. Il a fallu admettre que ça ne durerait pas ad vitam aeternam et postuler ailleurs. C’est l’ancien directeur du musée dauphinois, Jean Guibal, un homme que j’estime énormément, qui me met sur la piste du musée de la Viscose à Échirolles. La ville travaille alors à un projet de transfert de cet ancien musée départemental sur le site de l’actuel musée Géo-Charles avec l’intention de faire émerger une structure commune. Il faut alors reprendre et achever le travail d’inventaire sur les collections du musée, laissées en déshérence depuis 2008. J’ai déjà à ce moment-là une petite expérience et une grande appétence pour le chantier des collections après un travail intense mené sur les collections liées à l’artisanat et au sport d’hiver du musée dauphinois. À la Viscose, mon grand bonheur a été de faire le tour de la collection en la traitant du début à la fin pendant un an et demi. Un plaisir que ne permet pas le million d’items conservé au musée dauphinois !
Interviewer imaginaire : Puis tu arrives au musée de la Résistance ?
Antoine : Mon premier « vrai recrutement » à un poste permanent ! Je me présente à l’entretien avec mon petit bagage, ma réputation de mec efficace quoi qu’un peu bourrin et le bon souvenir laissé à la direction de la culture du Département et manifestement… ça marche. Cette prise de poste est alors pour moi un second début de carrière : la fiche de poste est passionnante, mais un peu dantesque et le travail à mener sur les collections est immense. J’ai beaucoup à apprendre : coordonner l’édition d’un bouquin, coproduire des expos, travailler sur des projets très exigeants portés par une toute petite équipe et surtout m’immerger dans cette histoire si particulière à laquelle je ne connais alors pas grand-chose.
Interviewer imaginaire : C’est aussi là que tu rencontres ton amie Justine ?
Antoine : Un vrai crush professionnel comme on dit dans le monde de Linkedin. Je garde un souvenir ému et amusé de cette première réunion de service où elle m’apparaît un peu « bon chic bon genre » avec son rouge à lèvre carmin, son accent de Paris et son diplôme de la bien réputée école du Louvre. Pourtant, il ne faut pas longtemps pour que l’on s’entende comme « larrons en foire » et qu’émerge, l’idée de créer un jour une boite ensemble. En attendant, il y a du boulot à faire au musée de la Résistance et les projets ne manquent pas : expos, projet de nouveau musée, collecte participative s’ajoutent à la vie courante du service et notamment à sa très sympathique Course de la Résistance ! 6 années incroyablement intenses professionnellement et personnellement, car si Justine décide d’aller prendre l’air en 2022, je continue à former un binôme professionnel hyper stimulant et manifestement efficace, avec Alice, la directrice du musée. Elle m’apprend beaucoup, notamment en matière de gestion de projet où je n’ai aucune expérience ce qui me rendra bien service pour la suite.
Interviewer imaginaire : Que des bons souvenirs manifestement. Pourquoi t’es parti ?
Antoine : Pour créer Karst ! Depuis quelque temps, l’idée nous gratte plus fortement avec Justine et de mon côté, j’ai le sentiment qu’un cycle se termine au musée de la Résistance. Nos vies ont changé, et le monde aussi : on se projette l’un et l’autre dans une manière différente de travailler et je crois qu’on a très envie de mettre à l’épreuve les compétences et les savoir-faire acquis dans nos carrières publiques, certain-e-s diraient qu’on cherche à se challenger ! La création de Karst est alors ponctuée par des naissances : celle de mon fils, en novembre 2023 me conforte dans l’idée que je ne pourrais plus assumer longtemps le choix de vie un peu contradictoire d’habiter au fin fond de la Chartreuse tout en continuant à travailler en ville et qui m’impose notamment 2h de route chaque jour. À mon retour de congés paternité, je travaille donc plus sérieusement cette idée avec ma camarade. La maturation du projet prendra une année avant que je ne quitte officiellement le musée de la Résistance, le 31 janvier 2025, quelques semaines après la naissance de la fille de Justine !
Interviewer imaginaire : What a year it has been ! Le mot (du début) de la fin ?
Antoine : Sans regrets ! Ni pour les expériences de boulot de ces 10 dernières années, ni pour les choix faits sur la manière d’organiser (au moins) les 10 prochaines. Pour le reste, et notamment la capacité de cette activité à nous rémunérer au niveau de nos attentes, on verra bien et on ajustera si nécessaire. Notre grand bonheur et notre grande fierté, c’est que le projet de créer Karst va plus loin que ça. Il porte en lui notre façon de voir le monde et surtout la manière dont on souhaite apporter notre pierre à l’édifice. S’il s’agissait juste de gagner de l’argent en se vendant comme sous-traitant, on aurait créé chacun un statut d’auto-entrepreneur et en 2h, c’était réglé. Nos valeurs sont au cœur du truc, non pas comme argument commercial ou comme élément de story telling, mais parce qu’on a la conviction que les profondes mutations en cours de notre secteur nous imposent une nouvelle manière de se positionner si l’on veut garder le sens de notre travail. Ce projet partagé à deux depuis le début, le manifeste, l’arrivée chez Oxalis, l’offre proposée aux client-es, notre comm’ et nos outils de travail nous apparaissent comme un tout, à la fois logique, cohérent et fonctionnel et ça, c’est extrêmement kiffant.